Edito du 13 janvier au 14 février 2011
Indignez-vous !*
Deux événements ont marqué la dernière quinzaine de décembre: la condamnation de l'artiste iranien Jafar Panahi par le Pouvoir religieux de son pays et la neige qui s'est abattue sur la France et l'Union Européenne... Hélas pour nous, la seconde a étendu son blanc manteau d'indifférence sur la première.
Or, cette condamnation à 6 ans de prison et à 20 ans d'interdiction de filmer est une tache rouge sur ce linceul glacé. Quel en est le motif ? Jafar est-il le Grand Satan américain à la solde de Walt Disney ? Jafar, Grand Vizir du 7e Art voulait-il prendre la place du Grand Vizir de la Propagande ? Etre calife à la place du calife ? Non ! Il revendique simplement le droit d'être Libre. Comment peut-on, en effet, accepter qu'un artiste soit censuré, emprisonné, voire exécuté parce qu'il ne pense pas comme le Président de son pays ? Quand un chef politique fait fi de la Culture et de l'Art en général, il faut s'indigner. Le cinéaste est au service de son Art, non au service de la propagande et c'est ce que ne pardonne pas la justice, pardon la Dictature iranienne.
L'A.P.C. a programmé deux de ses films, à savoir "Le Cercle", Lion d'Or à la Mostra de Venise en 2000, qui abordait la condition des femmes en Iran et "Hors-jeu" qui mettait en scène des filles folles de foot se déguisant en garçons pour assister au match qui qualifiera l'Iran à la Coupe du Monde de 2006... ah, j'oubliais, les filles sont interdites de stade ! Ce film n'est pas resté sur la touche puisqu'il a reçu l'Ours d'Argent au Festival de Berlin de 2006. Auparavant, en 1995, Jafar Panahi avait obtenu la Caméra d'Or à Cannes pour "Le Ballon blanc", odyssée d'une jeune fille dans les rues de Téhéran.
Faire du cinéma, c'est faire acte de résistance.
Invité à Berlin en février 2010, il n'a pas l'autorisation de s'y rendre, bloqué dans les vestiaires du Pouvoir iranien; membre du Jury du Festival de Cannes, sa chaise restera vide et les larmes amères de Juliette Binoche n'y feront rien.
Retenez bien ce nom: Jafar Panahi. Après les lauriers de la Victoire, les épines de la Honte. Au fait, qui a dit Nul n'est prophète en son pays ?
*d'après "Indignez-vous", de Stéphane Hessel (Indigène éditions)
Stéphane Hessel est corédacteur de la "Déclaration universelle des Droits de l'Homme de 1948.
Pour l'A.P.C. Didier Mayeur