Edito juin 2016

Il y a légumes et légumes

Quand on lit une carte de resto, il faut rester vigilant. Vigilant sur les produits et vigilant sur le Chef. Le gourmet se demande toujours à quelle sauce il va être mangé. Le Gouvernement, ce grosse légume, nous mitonnait un super projet de loi relatif à la Liberté de Création, à l’Architecture et au Patrimoine qui devait préserver la diversité dans le secteur de l’exploitation et de la diffusion des films. Or le dit Chef a modifié la recette en oubliant quelques ingrédients chers aux papilles de l'Association Française des Cinémas d’Art et d’Essai et des spectateurs exigeants, à savoir les dispositions nécessaires pour préserver, sur le terrain de la diffusion, l’Exception culturelle et le maillage cinématographique exceptionnel de notre territoire. "L’opportunité offerte de créer des engagements de diffusion pour les distributeurs de films" est abandonnée. Chaud devant ! L’AFCAE rappelle l’urgence de la situation : "l'amélioration des conditions d’accès aux films pour les salles Art et Essai dans les grandes villes et agglomérations, comme dans les villes petites et moyennes", et ce à court terme. "De nombreuses salles Art et Essai indépendantes sont en danger, alors qu’elles assurent la majorité des entrées des films d’auteur. C’est ainsi l’équilibre de l’ensemble de la filière indépendante de la création et de la diffusion qui est en danger " (Communiqué de l'AFCAE du 21 mars 2016). Si les Chefs oublient les petits légumes par ci, les herbes par là, quels menus diversifiés auront-ils à offrir aux fins gourmets que nous sommes ? En renonçant à cette diversité, on est passé de la grande cuisine à la tambouille.

La pasteurisation à tous crins fait son miel ! Spectateurs gourmets, restez vigilants ! La standardisation nous guette et l'on aura bientôt peu à se mettre sous la dent. Et quand on sait que des associations de mouvances traditionalistes catholiques (association Promouvoir) multiplient les procès pour interdire certains films aux mineurs (Quentin Tarantino est en train de passer dans la moulinette des intégristes) et gagnent parfois, le symbole d'une recroquevillement est fort. La portée idéologique est désastreuse, la filière économique s'en ressent, et par voie de conséquence les financeurs du cinéma deviennent frileux. Céline Sciamma, que l'A.P.C. a reçu au Majestic avec Adèle Haenel, craint de fait que des producteurs se désengagent et, plus grave, que des auteurs s'autocensurent pour plaire. Où est la Création ? Craignant les recours devant les tribunaux, les télés ne financeraient alors que des menus aseptisés et sans saveurs. La malbouffe est partout. Finalement, Renaud Laville, Délégué Général de l' AFCAE, nous a confirmé par téléphone qu'un engagement interprofessionnel a été conclu à Cannes pour une meilleure programmation et une meilleures diffusion des films en direction des petites salles. Ouf ! Un menu de sauvé ! Mais jusqu'à quand ?

Du coup, l'A.P.C. propose, ce mois-ci, un menu autre vendredi 27 mai à 20h. Avec de bons légumes. Notre Cheffe belge s'appelle Anne Closset et, soutenue par les GASAP (Belgique) et les AMAP (France), elle a mitonné une réalisation aux petits oignons : Autrement (avec des légumes). Comme dit Olivier Lavielle (également invité), Administrateur d'une AMAP de Paris et Distributeur, c'est "un film qui donne la patate". Comme quoi les petits légumes peuvent avoir plus d'intérêt que les grosses.

Pour clore cet édito, sachez que vous êtes invités comme tous les ans à déguster des gourmandises italiennes avec le Comité de Jumelage avant le film. Rendez-vous devant leurs tables vendredi 3 juin, à 20h !

Pour l'A.P.C.   Didier Mayeur