Edito du 13 juin au 15 juillet 2013.

Grosses bêtes

Le multiplexe est-il un serpent de mer ? On peut le croire. Le dossier apparaît sur un bureau, disparaît dans un carton pour ressurgir sur les lèvres d'un individu qui est pour mais contre. P'têt ben qu'oui, p'têt ben qu'non. Nous sommes en Normandie, entre Paris et Deauville. Et de propos de comptoir en ragots de marché, la rumeur enfle et les spectateurs deviennent un peu les otages des frères ennemis. Slogans entendus dans la rue par les distributeurs de tracts : Contre le déplacement du marché ; contre la suppression du parking ; Contre le déplacement du parking ; contre la suppression du marché. La langue de bois a ça de bien, qu'elle utilise des mots interchangeables. Tout le monde n'est pas ébéniste. J'ai même lu qu'il faudrait 800 places de parking (300 suppressions + 500 voitures cinéphiles) pour le cinéma. M. Lehéricy ne doit pas souvent fréquenter les salles obscures en nous imputant 500 spectateurs par séance ("l'Eveil", 23 janvier 2013). Le "Majestic" serait riche alors qu'il perd de l'argent ! Qui en France fait salle comble à chaque séance ? M. Butel, autre Cassandre, prédit "à terme la mort du marché et la destruction des commerces" ("Lisieux Mag", janv/fév 2013) à cause de la construction "d'un multiplexe avec restaurants". De quels restaurants parle-t-il ? Ce sont aux restaurateurs sous les arcades d'accompagner ce projet, d'accueillir les clients au lieu de les chasser à 20h (je l'ai vécu) car on se couche tôt à Lisieux, comme le faisait remarquer le réalisateur de "Populaire" devant M. le Maire. Quant à la Gauche tiède, il faudra qu'elle se jette à l'eau !

Ces Cassandre font du mal à la Ville. Lisieux n'est pas Troie et le multiplexe n'est pas son cheval, simplement un cheval de bataille pour des politiciens qui n'ont pas de vision pour une ville. M. Aubril a attendu trop longtemps pour penser ce nouveau lieu culturel et il met en péril ce projet qui lui semblait moins important que d'autres. Les cinémas de Montargis, Saint-Lô sont des réussites de par la volonté d'hommes qui pensaient d'abord leur ville avant de penser leur carrière (ne soyons pas naïf, l'un ne va pas sans l'autre). La politique spectacle à laquelle nous assistons, nous spectateurs impuissants, peut dégoûter tout un chacun. J'ai remarqué qu'il était difficile pour un homme ou une femme (la parité existe...) d'accepter que son ennemi(e) politique puisse avoir des idées et, de fait, j'ai lu que des Lexoviens, favorables à ce multiplexe, voteraient contre car passés dans l'opposition ! Triste cinéma de la part d'élus ! Quel avenir alors ? Aucun ! On ne bouge plus, pas de remous avant les élections de 2014. Le projet plonge dans les abysses de son carton pour éviter les vagues. Nessie a encore de beaux jours devant lui.

Cheval de Troie, serpent de mer, autant de monstres qui fascinent le peuple mais qui ne façonnent pas une ville. Les Lexoviens veulent du concret. Comme la médiathèque André Malraux haïe, honnie, toujours ban- nie par... des lecteurs qui franchissent régulièrement sa porte pour faire leur marché culturel hebdomadaire.

Après le venin, le baume. Solveig Anspach, la réalisatrice de "Queen of Montreuil", et son coscénariste Jean-Luc Gaget, tiennent à remercier les spectateurs de la Soirée du 1er juin. Ils ont été séduits par l'enthousiasme des cinéphiles et la qualité des questions. La réciproque est vraie tant ce duo nous a fait rire, nous a émus par ses remarques, ses réflexions et sa foi en ce métier d'artiste qui se durcit car, en période de crise, la Culture est la première sacrifiée. Il faut de la rentabilité "fast and furious" à tout prix ! Quand vont-ils sortir de route pour qu'on n'en entende plus parler ?

Pour l'A.P.C. Didier Mayeur