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A.P.C Lisieux
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  • L'Association Pour le Cinéma de Lisieux vous propose de suivre son action et sa programmation à travers ce blog. ( Tous les films proposés par l'A.P.C sont projetés au Cinéma MAJESTIC - 7, rue au Char - 14100 LISIEUX)
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20 janvier 2015

Edito Art & Essai janvier / février 2015

Mort De Rire

   Difficile en ce début d'année d'écrire un édito lié au 7° Art alors qu'on vient d'assassiner des dessinateurs et leurs amis, alors qu'on vient d'assassiner la liberté de création. Les chiures de gomme se sont transformées en larmes de deuil.

   Si une couverture de « Charlie Hebdo » illustre l’édito, c'est parce que le film Timbuktu de la « Soirée Mali » est comme un écho funèbre à l'exécution de « Charlie ». Ne gommons pas le rire, pratiquons la dérision, soyons irrévérencieux, cessons d'être crispés. Rappelez-vous « Le Nom de la rose » d’Umberto Eco, l’assassin voulait interdire le rire... On a le droit de ne pas apprécier les caricatures de « Charlie Hebdo », on a le droit de ne pas l'acheter mais on n'a pas le droit d'empêcher les autres d'apprécier ou d'acheter. Au contraire, discutons après avoir vu une caricature qui va trop loin à nos yeux, discutons après avoir vu un film nul proposé par l’APC mais ne remplaçons pas le crayon, la réflexion par un trou de balle.

   Le poète René Char(lie) a écrit un jour : « Notre héritage n’est précédé d’aucun testament. » Qu’est-ce que cela veut dire ? Cela veut dire que l’Homme peut, doit avoir un esprit critique avec le passé, que notre passé ne doit pas être notre avenir. Avançons ! Or certains s’accrochent à La Tradition  et on voit bien, de fait, que La Tradition conserve et bloque la porte de l’ouverture d’esprit. Il faut la mettre en boîte, c’est sûr. Exemple : une bonne recette de cuisine traditionnelle de Tonton Paul peut être améliorée (pas une conserve), aucune honte à ça, Tonton Paul ne se retournera pas dans sa tombe pour autant. D’ailleurs la cuisine française, qu’elle soit athée, halale, cachère ou laïque, est cuisinée partout par tout le monde (et n’importe qui !). Ainsi, les idées, on peut les cuisiner (cuisiner les idées, ça rappelle l’Algérie de Cabu) et les mettre à toutes les sauces. Enfin, non ! pas à toutes les sauces, les sauces obscurantistes n’ont pas que des lumières comme cuisiniers.

   Réfléchissant sur le texte de René Char(lie), Hannah Arendt, la philosophe américaine d’origine allemande - nazisme oblige -, a écrit que « nous sommes entièrement libres d’utiliser où nous voulons les expériences et les pensées du passé » (...) et « réfléchir cela signifie toujours de penser de manière critique » et « penser de manière critique cela signifie que le seul fait de penser est en lui-même une entreprise très dangereuse (...) mais ne pas réfléchir est encore plus dangereux ». C’est une des raisons pour lesquelles l’Association Pour le Cinéma promeut en V.O.S.T. des films du monde entier, propose des soirées à thème pour échanger avec l’Autre, cet inconnu, et il n’est pas innocent que ceux qui viennent au cinéma « Majestic » applaudissent à la Soirée « Benda bilili » en présence de Renaud Barret, l’un des réalisateurs, à celle de « Romanès » et ses tziganes libres en présence de Jacques Deschamps, à celle « D’une seule voix » en présence du chef d’orchestre Jean-Yves Labat de Rossi qui a monté une chorale composée d’Israéliens et de Palestiniens, c’est à dire des chrétiens, des juifs, des musulmans, filmés par Xavier de Lauzanne, lequel disait vouloir « extraire les hommes du champ politique pour les faire se rencontrer dans celui du sensible ». Les spectateurs avaient également applaudi à la 2ème Rencontre-Cinéma dont le thème était (déjà) « Ecoute ma différence », rencontre à laquelle le dessinateur Cabu avait participé : il avait dessiné l’affiche ! C’étaient les 17 et 18 mars 1981.

   Ces bouffons du roi étaient, certes, anti-institutions, antimilitaristes, anticléricaux, mais ils ne se moquaient pas de la religion, ils se moquaient des représentants de ces religions qui bafouent la religion en tuant en son nom. Certains peintres, cinéastes, écrivains, artistes critiquent les composants de la société, ils ont le droit. Personne n’est infaillible !

   En... 1554, l’humaniste et théologien protestant Sébastien Castellion a osé coucher sur le papier la réflexion suivante : « Tuer un homme ce n’est pas défendre une doctrine, c’est tuer un homme. Quand les Genevois ont fait périr Servet, ils ne défendaient pas une doctrine, ils tuaient un être humain : on ne prouve pas sa foi en brûlant un homme mais en se faisant brûler pour elle. » Dix-huit ans avant l’horrible nuit de la Saint Barthélémy, près de cinq siècles plus tard, cette réflexion est toujours d’actualité.

   Décryptons maintenant les signes ! Après avoir tué d’abord le comité de rédaction d’un magazine papier français, les tueurs sont ensuite partis pour Villers-Cotterêts, ville où le roi François 1° a signé en 1539 l’Ordonnance du même nom imposant la langue française à la place du latin, pour enfin se réfugier chez un imprimeur. Ils ont dû se faire un sang d’encre pendant cette cavale... En fait, ils ont préféré « Hara-Kiri » qui avait été jadis censuré. Drôle de message !

   L’encre de cet édito est sèche, pas nos larmes ! Que vive Charlie pour le rire aux lèvres et non la peur au ventre, pour la liberté de création et non la prison des dogmes ! Même pas mal ! même s’ils ne sont pas morts pour rire...

 

100 coups de fouet si vous n'êtes pas morts de rire.

Pour l’APC*, Didier Mayeur

(*APC = Association Pour Charlie)

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